Abstract
A une époque où la pensée critique semble camper sur des bases inébranlables, Scheler entreprend de remettre en question un ensemble de présupposés typiquement kantiens. Celui qu’il prend en effet le plus directement à parti est le schéma rationaliste qui les fonde tous à l’origine. C’est ainsi que l’essentiel de sa philosophie consistera, expliquent les spécialistes, à jouer le sentiment contre l’intellect. Il ne convient pas de renouveler ce constat — fût-ce sous un angle nouveau —, mais bien plutôt de dévoiler ce qui constitue ses conditions de possibilités. L’originalité de la pensée schelerienne, en deçà de son opposition à la toute puissante « raison raisonnante », réside certainement en (grande) partie dans la mise en place rigoureuse et concise d’un cadre phénoménologique capable de fournir les outils nécessaires à l’élaboration de sa critique. En effet, Scheler ne subordonne la raison au sentiment qu’à la suite d’un long travail phénoménologique de remise en question du sujet, de l’Ego. C’est ce travail que nous nous proposons de retracer ici en suivant pas à pas la manière dont il prend congé de la synthèse et de l’unité transcendantales pour s’orienter vers une pensée de la diversité.