Dans cet essai, nous cherchons à ressaisir le sens politique du structuralisme à la lumière d’un rapprochement inattendu, présenté à la fin de Tristes Tropiques, entre le bouddhisme et le marxisme. On s’est beaucoup interrogé sur ce que le marxisme a apporté en propre à l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss, et cela dès la parution du livre de Lucien Sebag, Marxisme et structuralisme, en 1964. Dans le même temps, le marxisme officiel, dans ses différentes tendances, avait attaqué une approche (...) des structures de l’esprit comme une dérive idéaliste. Nous avons voulu déplacer complètement la question en prenant à la lettre la comparaison audacieuse que risque Lévi-Strauss, en quelques pages, où le marxisme comparaît comme ce qui, en Occident, fait écho à un processus de transformation du monde social dont l’Orient, en son propre sein, a inscrit par avance la possibilité. Ainsi, c’est une différence interne à l’Orient qui sert, en bonne méthode structurale, à penser une différence significative, mais inaperçue, dans notre propre culture. Et la pensée marxiste, inscrite sous le signe d’une volonté de transformation du monde plutôt que d’interprétation, est replacée dans un cadre qui la modalise, en même temps qu’elle en révèle la portée réellement critique. (shrink)

Le débat actuel sur la pensée structurale soulève diverses questions qui intéressent l'interprétation de la philosophie hégélienne, et particulièrement l'interprétation hégélienne de la psychanalyse.Lucien Sebag estime que l'histoire et la structure représentent deux types d'explications qui se distinguent nettement par leur méthode d'opération tout autant que par les résultats obtenus. On peut conceptualiser, nous dit-il, de deux façons: I) en considérant des conduites individuelles ou collectives dont le compte rendu forme alors un récit. Ce mode de pensée est (...) de type causal. (shrink)

Cet ouvrage est une réédition numérique d’un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d’origine.

This article offers a novel account of a key concept in Hannah Arendt’s political thought: amor mundi. In political theory’s ethical turn, theorists have increasingly turned to amor mundi as a source of ethical guidance and inspiration for politics. However, in doing so, they have elided Arendt’s distinct understanding of care. This article recovers Arendt’s understanding of amor mundi as care for the world by reconstructing the central concerns of her dissertation, Der Liebesbegriff bei Augustin, and tracing them to the (...) “Crisis” essays of Between Past and Future. It shows that amor mundi emerges in the dissertation as part of a question: if love is our fundamental orientation toward the world, how can we love the world without instrumentalizing it? The two “Crisis” essays provide the following answer: if love is to avoid—and perhaps militate against—the instrumentalization of the world, it must take the form of care. Following this analysis, this article contends that the contribution of amor mundi to the ethical turn is best understood, not as the ethos needed to guide action in the political realm, but as a key pre- or nonpolitical ethos needed to conserve the world where politics takes place—and thus the very possibility of politics. (shrink)

Recent research on thick terms like “rude” and “friendly” has revealed a polarity effect, according to which the evaluative content of positive thick terms like “friendly” and “courageous” can be more easily canceled than the evaluative content of negative terms like “rude” and “selfish”. In this paper, we study the polarity effect in greater detail. We first demonstrate that the polarity effect is insensitive to manipulations of embeddings (Study 1). Second, we show that the effect occurs not only for thick (...) terms but also for thin terms such as “good” or “bad” (Study 2). We conclude that the polarity effect indicates a pervasive asymmetry between positive and negative evaluative terms. (shrink)

Praised as a panacea for resolving all societal issues, and self-evidently presupposed as technological innovation, the concept of innovation has become the emblem of our age. This is especially reflected in the context of the European Union, where it is considered to play a central role in both strengthening the economy and confronting the current environmental crisis. The pressing question is how technological innovation can be steered into the right direction. To this end, recent frameworks of Responsible Innovation (RI) focus (...) on how to enable outcomes of innovation processes to become societally desirable and ethically acceptable. However, questions with regard to the technological nature of these innovation processes are rarely raised. For this reason, this paper raises the following research question: To what extent is RI possible in the current age, where the concept of innovation is predominantly presupposed as technological innovation? On the one hand, we depart from a post-phenomenological perspective to evaluate the possibility of RI in relation to the particular technological innovations discussed in the RI literature. On the other hand, we emphasize the central role innovation plays in the current age, and suggest that the presupposed concept of innovation projects a techno-economic paradigm. In doing so, we ultimately argue that in the attempt to steer innovation, frameworks of RI are in fact steered by the techno-economic paradigm inherent in the presupposed concept of innovation. Finally, we account for what implications this has for the societal purpose of RI. (shrink)

O presente artigo tem por escopo tecer considerações a respeito da Civilização Helenística e a sua língua de “comunicação internacional”, isto é, a koiné. Ressalte-se que esse dialeto grego serviu de base para a propagação do Evangelho nos primórdios do Cristianismo.

L’histoire des mathématiques présente une singularité qui a souvent été remarquée par les historiens : contrairement à la physique, cette histoire ne procède pas essentiellement par conjectures et réfutations, mais par une succession d’enchaînements intégrant le passé dans le présent en le réinterprétant. Cette opération implique un acte de lecture du passé par le présent. En partant des thèses de Husserl dans L’origine de la géométrie sur le rôle de l’écriture dans l’historicité des mathématiques, l’article analyse les conditions de possibilité (...) de cette lecture, liées à la nature du texte mathématique : cette dernière doit être pensée à partir de trois partages opérés par le regard du lecteur : entre le vrai et le faux, entre l’écriture et l’image, entre ce qui est mathématique et ce qui n’en relève pas. L’article prend pour exemple le statut de l’équation dans la Géométrie de Descartes. Il montre la solidarité profonde entre cette dernière et les idées que développe le philosophe sur la lecture et la nature du signe. Et il met en évidence comment il est possible à partir de ces idées de reconstituer la manière dont Descartes pouvait lire un texte mathématique, et de comprendre en quoi cela a déterminé en partie ses conceptions dans sa Géométrie, mais aussi en quoi d’autres lectures de la Géométrie peuvent l’insérer dans les mathématiques des siècles ultérieurs. (shrink)

Le concept d’ Aufhebung, repris par Marx de Hegel et réélaboré par lui, pose un problème notoire de traduction. Lucien Sève conteste le principe de sa traduction systématique par « abolition », pratique aujourd’hui constante, et plaide pour le recours en nombre de cas au mot « dépassement », position que Patrick Theuret dénonce dans un livre comme un révisionnisme sémantique et politique. Étudiant de près la question telle qu’elle se pose dans les Grundrisse, Lucien Sève montre que (...) la traduction par dépassement est maintes fois imposée par le texte même. Sémantiquement, il n’est pas vrai que dépassement fasse perdre de vue le « travail du négatif ». Politiquement, réduire la conception marxienne de la révolution à une abolition la mutile gravement. Question de vive actualité, quand l’obsolescence patente du capitalisme en appelle non à une révolution à l’ancienne mais à un dépassement de nouvelle sorte. (shrink)

This book about philosophy of medicine bestows a bottom-up and not a top-down approach. It starts from clinical medicine and epidemiology, analyzing their interrelations with philosophical instruments. The book criticizes the constant search for generalities and the essentialism that too often characterizes this discipline, which results in philosophers of medicine dialoguing with each other without direct contact with medical science. In the light of Ludwig Wittgenstein's philosophy, this book proposes an approach to the philosophy of medicine based on the quorum (...) of language, what Wittgenstein calls family resemblances. In this way the author establishes a philosophy of medicine that is closely related to the medical clinic and to public health and as such avoids armchair philosophy. “Don’t think, but look", wrote Wittgenstein. (shrink)

L’alpinisme, pour Pierre-Henri Frangne, est d’abord une expérience. Spécialiste de philosophie de l’art, professeur à l’université de Rennes, auteur d’ouvrages sur la photographie et le cinéma, Monteverdi et Mallarmé, il pratique cette activité tous les étés depuis près d’une vingtaine d’années. Ses domaines de recherche l’ont déjà amené à écrire sur la montagne comme objet esthétique et sur la photographie de montagne. Mais ce nouvel ouvrage est cette fois d’abord une interrogation, à la pre...

In this landmark work of economic sociology, Lucien Karpik introduces the theory and practical tools needed to analyze markets for singularities. Singularities are goods and services that cannot be studied by standard methods because they are multidimensional, incommensurable, and of uncertain quality. Examples include movies, novels, music, artwork, fine wine, lawyers, and doctors. Valuing the Unique provides a theoretical framework to explain this important class of products and markets that for so long have eluded neoclassical economics. With this innovative (...) theory--called the economics of singularities--Karpik shows that, because of the uncertainty and the highly subjective valuation of singularities, these markets are necessarily equipped with what he calls "judgment devices"--such as labels, brands, guides, critics, and rankings--which provide consumers with the credible knowledge needed to make reasonable choices. He explains why these markets are characterized by the primacy of competition by qualities over competition by prices, and he identifies the conditions under which singularities are constructed or are in danger of losing their uniqueness. After demonstrating how combinations of the numerous and multiform judgment devices can be used to identify different market models, Karpik applies his analytical tools to the functioning of a large number of actual markets, including fine wines, movies, luxury goods, pop music, and legal services. (shrink)

Lucien Sève (1926–2020) was one of the foremost Marxist theoreticians of the Parti Communiste Français. An indomitable opponent of both structural and humanist Marxism, his 1973 article reprinted below represents the core of his conception of alienation. For Sève, whilst the mature Marxism of Das Kapital is fundamentally distinct from the speculative humanism of the 1844 Manuscripts in placing capital, not abstract labour, at the heart of alienation, this reinforces, rather than replaces, the role of alienation at the centre (...) of Marx’s mature thought, and hence of Marxism itself. (shrink)

The reasonable person standard is key to both Criminal Law and Torts. What does and does not count as reasonable behavior and decision-making is frequently deter- mined by lay jurors. Hence, laypeople’s understanding of the term must be considered, especially whether they use it predominately in an evaluative fashion. In this corpus study based on supervised machine learning models, we investigate whether laypeople use the expression ‘reasonable’ mainly as a descriptive, an evaluative, or merely a value-associated term. We find that (...) ‘reasonable’ is predicted to be an evaluative term in the majority of cases. This supports prescriptive accounts, and challenges descriptive and hybrid accounts of the term—at least given the way we operationalize the latter. Interestingly, other expressions often used interchangeably in jury instructions (e.g. ‘careful,’ ‘ordinary,’ ‘prudent,’ etc), however, are predicted to be descriptive. This indicates a discrepancy between the intended use of the term ‘reasonable’ and the understanding lay jurors might bring into the court room. (shrink)

Cet essai dénonce comme fascisantes certaines tendances de la pensée des philosophes déconstructivistes. Selon l'auteur, ils ont fait l'apologie d'un nouveau nihilisme qui a eu pour résultat des phénomènes paradoxaux tels que la sympathie envers l'islamisme radical, le détournement des arts ou la naturalisation de la crise des institutions.

Die Philosophiegeschichte hat festen Bestand als philosophische Disziplin. Sie wird hier als eine "Nachlese" der authentischen Texte der Philosophen eingeführt. Der heutige wissenschaftstheoretische Reflexionsstand im allgemeinen legt auch eine Reflexion auf die Prinzipien dieses "zweiten Diskurses" nahe. Dazu sind Vorbedingung die effektive Kenntnis der "Geschichte der Philosophiegeschichte" selber wie auch der Prinzipien, die diese Historiographie steuern. Eine Reihe sich für eine solche "Philosophie der Philosophiegeschichte" stellender Fragen und Problem-Topoi wird genannt, deren Existenz die heute allgemein spürbare "Prinzipienkrise" der Philosophiegeschichtsschreibung ausmacht. (...) Das führt zu der Frage, inwieweit die Prinzipienreflexion und das Problembewußtsein selber den Verfall einer magistralen Philosophiegeschichtsschreibung mitbedingt, der durch Kollektivarbeiten allenfalls verdeckt, nicht aber kompensiert wird. (shrink)

Many American readers like to regard Alexis de Tocqueville as an honorary American and democrat--as the young French aristocrat who came to early America and, enthralled by what he saw, proceeded to write an American book explaining democratic America to itself. Yet, as Lucien Jaume argues in this acclaimed intellectual biography, Democracy in America is best understood as a French book, written primarily for the French, and overwhelmingly concerned with France. "America," Jaume says, "was merely a pretext for studying (...) modern society and the woes of France." For Tocqueville, in short, America was a mirror for France, a way for Tocqueville to write indirectly about his own society, to engage French thinkers and debates, and to come to terms with France's aristocratic legacy. By taking seriously the idea that Tocqueville's French context is essential for understanding Democracy in America, Jaume provides a powerful and surprising new interpretation of Tocqueville's book as well as a fresh intellectual and psychological portrait of the author. Situating Tocqueville in the context of the crisis of authority in postrevolutionary France, Jaume shows that Tocqueville was an ambivalent promoter of democracy, a man who tried to reconcile himself to the coming wave, but who was also nostalgic for the aristocratic world in which he was rooted--and who believed that it would be necessary to preserve aristocratic values in order to protect liberty under democracy. Indeed, Jaume argues that one of Tocqueville's most important and original ideas was to recognize that democracy posed the threat of a new and hidden form of despotism. (shrink)

L'expérience humaine du malheur est universelle, ce qui autorise à supposer qu'elle puisse être indissociable de la condition humaine. Pourtant, rares sont les philosophes qui, au lieu de l'assimiler a priori à une figure du Mal, pour lui opposer leurs consolations, se soient résolument efforcés de conceptualiser ce vécu déchirant. Ce sont plutôt les dramaturges, les poètes, des artistes, témoins irrécusables de la souffrance millénaire des hommes en proie aux pires malheurs, qui nous permettent d'en discerner les traits essentiels, l'imbrication (...) inextricable, imprévisible et funeste de ses composantes. Or, savoir pourquoi et comment le malheur nous défait, nous détruit, c'est découvrir, au-delà de ripostes illusoires, héroïques mais dérisoires, que la seule manière efficace de relever ce défi extrême consiste à entreprendre et reprendre, inlassablement, ce qui nous fait, nous construit en tant qu'êtres humains, à savoir nos œuvres culturelles. Ainsi, l'occasion antagoniste du malheur ne serait-elle pas l'expérience cruciale, l'épreuve décisive de notre humanité? (shrink)

Résumé Ces pages dactylographiés ont été conçues par l’historien comme l’introduction d’un livre à écrire. Souvent ainsi, il traçait une ébauche qui tenait lieu ensuite d’introduction. Ici, il indique l’état d’une vaste enquête historiographique tout en récusant à la fois le tropisme historiographique et l’histoire des idées. Son attention au caractère concret des tâches des historiens, en leur temps, ouvre ici une perspective proprement épistémologique. Au passage il se démarque de la notion d’« outillage mental » tel qu’il l’avait employée (...) ailleurs dans les mêmes années. (shrink)