Dialogue 41 (1):193-196 (
2002)
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Abstract
Les écrits de Gilbert Simondon sont tellement denses et touffus qu'en faire une présentation dans un petit volume de cette collection était un tour de force. Muriel Combes l'a bien réussi en explicitant les principaux thèmes de la problématique simondonienne. Dans ce compte rendu mon intention est de me concentrer sur les aspects saillants mis en évidence par Combes dans ses interprétations sans omettre au passage de traiter pour elles-mêmes de quelques thèses de Simondon. Bien au-delà du Simondon dont le premier ouvrage s'intitulait Du mode d'existence des objets techniques, et donc de ce que Combes appelle «notre soi-disant penseur-de-la-technique», il convenait d'inaugurer l'exposé comme elle le fait par l'évocation de l'ontologie—ou même, ainsi qu'elle dira, «d'une voie de renouvellement de la métaphysique»—comme propos moteur des investigations de Simondon. Elle montre bien que le problème de l'ontologie tel que repris par lui nous reconduit à celui de l'individuation et qu'il est chez lui complètement reformulé à partir de ce fait que, notamment chez Aristote dans l'hylémorphisme, ce qui est pensé ce n'est pas l'individuation comme opération, mais comme la possession d'une forme déjà achevée et complète. Le reste s'ensuit. Dans la tradition logique accoutumée l'induction et la déduction sont des notions-clés. La critique de Simondon consiste à expliquer que ces deux notions supposent elles aussi une forme réalisée, idéale et parfaite. Il leur substitue une notion, chez lui centrale, de transduction qui décrit aussi bien dans les êtres que dans la pensée un réel qui se constitue et qui devient. Un intérêt de la présentation de Combes à cet égard consiste en ceci qu'elle expose que la critique de Simondon vise non seulement l'hylémorphisme aristotélicien, mais aussi la doctrine kantienne «qui sépare les formes a priori de la sensibilité de la matière donnée a posteriori, [...]» ; elle nous fait ainsi assister au repérage d'un hylémorphisme kantien et à sa modification, et à une autre conséquence des thèses de Simondon, relativement à la tradition, à savoir que la priorité accordée à la raison dans l'hégélianisme est également exposée; ainsi, «là où pour Hegel c'est du côté de la pensée que s'effectue l'identité de la pensée et de l'être, une telle identité repose dans la philosophie de Simondon sur le fond transductif de l'être, fond transductif dont la pensée procède». En fait chez Hegel le mouvement de l'être «n'est "que" celui de l'esprit». Je remarque qu'en insistant sur l'individuation, sur l'être comme devenir, Combes fait sentir à quel point Simondon donnait un contenu fécond à un dire existentialiste plutôt vague formulé à cette époque selon lequel «l'existence précède l'essence».