Abstract
Un travail de terrain ethnographique dans un grand tribunal pour enfants de la région parisienne sur la décision d’incarcérer des mineurs, fait apparaître l’utilisation de critères stricts qui réduit considérablement la prise en compte de la personnalité et de l’histoire des jeunes infracteurs placés en détention provisoire. Ainsi débarrassée de l’adolescent, la décision d’incarcération devient facilement l’objet de positionnements identitaires des magistrats. Derrière les motivations officielles se cachent en effet toujours des motifs d’ordre relationnel, des défenses de position et d’identité entre les substituts et les juges pour enfants. Lorsqu’ils décident ou non d’incarcérer un mineur, les magistrats mobilisent donc moins leur sens du bon et du juste envers l’adolescent et son infraction, qu’ils ne s’engagent à partir des constructions identitaires qui leur permettent de se situer à l’intérieur de leur corps. Dès lors, la personne qui compte est moins le jeune infracteur que le magistrat qui décide de son destin. Ce qui va à l’encontre du principe phare de l’Ordonnance de 1945 qui régit la justice des mineurs, et recommande avant tout la prise en compte de la « personnalité » du mineur.Fieldwork in a major juvenile court in the Paris area shows how the use of strict incarceration criteria considerably reduces the possibility for taking into account a young offender’s personality and past. The decision to incarcerate, by getting rid of the youth, soon becomes the grounds on which magistrates and public prosecutors make a stand that expresses their own identity. Behind official motivations are rationales of a relational sort that lead prosecutors and magistrates to defend current positions and identities. When deciding whether or not to incarcerate a minor, judges use their sense of what is right and just toward the adolescent in light of his offense ; but they do so by referring to a sense of identity whereby they position themselves within their occupational corps. As a consequence, the person who counts is not so much the juvenile offender as the magistrate who decides his fate. This does not comply with the key principle of the Ordinance of 1945, which instituted juvenile justice and recommends that, above all, the minor’s personality be taken under consideration