Abstract
Cet article se donne pour tâche d’étudier la manière dont l’exposition à l’art d’oblitération du sculpteur Sacha Sosno conduit Levinas à décrire les portées ontologique et éthique de la pratique de la rature appliquée à des sculptures archétypales de l’art classique : oblitération par le vide (découpe, percée, trouée) et oblitération par le plein (obtusion, enserrement). Quarante-deux ans après avoir considéré – dans « La réalité et son ombre » (1948) – que seule l’exégèse philosophique de l’art peut réintégrer l’œuvre dans le monde humain, Levinas reconnaît une prise de position éthique au sein même de la technique d’oblitération. En effet, dans De l’oblitération (1990), le philosophe affirme que les blessures infligées par la défaite des belles formes interrompent notre obstination inter-essée de persévérer dans l’être, révèlent la finitude et l’ambiguïté d’un visage à la fois visible et invisible, dénoncent les abus de la vie sociale, et suscitent la compassion et la responsabilité du spectateur.