Abstract
Joan Scott, dans son texte fondateur sur le féminisme dans la Révolution française, a écrit sur la position « paradoxale » dans laquelle la nouvelle définition, exclusivement masculine, de la citoyenneté a placé les femmes qui cherchaient à s’intégrer dans la sphère politique. Selon elle, les femmes étaient contraintes soit de nier leur différence avec les hommes, soit d’affirmer leur féminité et de saper ainsi leur cause. Cet article soutient qu’il existait cependant une troisième manière, tout aussi paradoxale, mais potentiellement plus efficace, pour les femmes politiques de cette période, de défendre leur inclusion dans la sphère politique. Il s’agit du refus de s’engager dans le sujet. Je suggère que, dans certains contextes, un silence presque total sur le sujet des femmes pourrait en soi être un argument politique puissant. S’appuyant sur des études contemporaines sur le genre et le développement, ainsi que sur l’exemple de Sophie de Grouchy (1763-1822), actrice politique pendant la Révolution française et épouse de Condorcet, lui-même défenseur des droits des femmes, cet article interroge l’importance des silences dans l’histoire intellectuelle. En construisant une méthodologie provisoire pour lire ces omissions, je soutiens que cela est essentiel pour l’évolution de l’histoire du féminisme.