Abstract
Lorsque Apulée se réfère à Socrate, que ce soit dans les Métamorphoses ou dans le discours de défense prononcé face à Claudius Maximus, l’Apologie ou De magia, il met en place des procédés de décalage et d’inversion par rapport à la figure du philosophe athénien telle qu’elle apparaît chez les premiers socratiques, Platon au premier chef. En ce sens, Apulée, philosophus Platonicus selon ses propres dires, doit concilier son appartenance philosophique avec la pratique judiciaire romaine : Socrate est donc tour à tour un modèle assumé, puis condamné comme inopérant, suivant la tradition cicéronienne du De oratore. La figure socratique reste néanmoins sous-jacente dans toute l’argumentation par le ressort du principe de καλοκἀγαθία : si l’on peut tracer un parallèle esthétique et donc éthique entre la beauté des discours et leur véracité, c’est-à-dire ici l’innocence de l’accusé, Apulée se présente néanmoins lui-même sous des traits altérés, laissant ainsi penser que l’apparence ne peut faire l’économie d’une herméneutique. Cette articulation entre surface et profondeur se retrouve dans l’anecdote relative à l’usage philosophique du miroir fait par Apulée à la suite de Socrate lui-même : la référence au philosophe athénien permet ainsi à la fois une définition de soi, entre philosophus, magus ou encore poeta, et une pratique spirituelle. L’examen du reflet, par son caractère labile, pose la question de la ressemblance du sujet à son image dans le passage d’une vision sensorielle à une perception intellectuelle. Socrate dans le De magia est donc celui qui permet une juste perception de soi-même et du monde par l’apprentissage de l’usage correct des mots et des images.