Abstract
On envisage trop fréquemment le conflit syrien à partir des éléments de son histoire très récente. Un retour sur les étapes qui ont précédé l’émergence de l’État-nation syrien permet de mesurer le poids de l’histoire et la complexité du processus de la construction nationale. L’Antiquité, le Moyen-âge, la période omeyyade, celle de l’Empire ottoman, puis la décolonisation et la construction nationale sont autant de strates de l’histoire syrienne qui permettent de comprendre comment s’articulent les identités, les sentiments d’appartenance et la mobilisation des imaginaires constitutifs des différentes idéologies nationales à l’œuvre dans la période contemporaine et jusqu’à ce jour. Le nationalisme, l’islamisme, le panarabisme ont chacun idéalisé un pan du passé de la Syrie mais étaient voués à l’échec, chacun pour des raisons liées à leur propre structure. Ce retour sur quelques jalons de l’histoire syrienne contribue à expliquer l’inachèvement de la construction nationale jusqu’à la crise actuelle. Les fragmentations sociale, économique et politique plongent aujourd’hui la Syrie dans une situation de rupture violente et la mettent au défi de prendre acte de ce qui est mort et que puisse advenir ce qui n’est pas encore né.