Iris 34:173-182 (
2013)
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Abstract
Dans la Chanson de Roland, le rire du héros résonne étrangement aux oreilles du lecteur. Le présent article a pour objet d’en définir la nature et la portée véritables. Pour ce faire, il convient de renoncer aux interprétations psychologiques et de privilégier une approche anthropologique. C’est par le respect de la mouvance de l’œuvre qu’il est possible de construire une interprétation rigoureuse de ce rire : il s’agit d’une manifestation du furor guerrier. Mais ce rire n’est pas un simple motif littéraire ; il s’inscrit en effet dans l’idéologie indo-européenne de la fonction guerrière et, sur ce point, la chanson de geste offre un exemple remarquable de rencontre entre cultures païenne et chrétienne. Si le rire de Roland exprime la méfiance devant la frénésie meurtrière que porte en lui tout guerrier, il traduit également la possession diabolique, dans une perspective chrétienne de condamnation du rire. In the mind of the reader of Chanson de Roland, the hero’s laughter sounds weird. The purpose of this essay is to define its nature and meanings. In this perspective, it is advisable to break up with the psychological interpretations and to prefer an anthropological approach. The respect of the textual mouvance makes a rigorous commentary possible and permits to define this laughter as an outward sign of warlike furor, yet it is not a mere literary motif but is part of Indo-European ideology of warrior. In this respect the poem gives a notable example of confluence of pagan and Christian cultures. Roland’s laughter both expresses the mistrust of murderous frenzy which potentially exists in every warrior and manifests demoniacal possession, due to Christian condemnation of laughter.