Abstract
Dans cet article, je propose d’examiner un aspect relativement méconnu de la philosophie de l’art de Nelson Goodman, à savoir sa théorie de la variation, succinctement exposée dans Reconceptions en philosophie (Goodman & Elgin, 1988). Si la variation est un procédé courant dans les arts, son fonctionnement reste difficile à cerner. Goodman défend qu’il s’agit d’une opération sémiotique et référentielle complexe : la variation implique l’exemplification de caractéristiques partagées et constrastées, ainsi qu’une référence de la variation au thème via ces caractéristiques exemplifiées. Comme je le défends ici, cette théorie de la variation peut s’appliquer de manière fructueuse au jeu vidéo. La variation y est non seulement plus fréquente et saillante que dans d’autres formes artistiques, mais fournit même une clé de compréhension du medium vidéoludique. Elle préside à la création des jeux vidéo, à leur fonctionnement, à l’activité ludique, et finalement à la valeur épistémique et hédonique du jeu. Le jeu vidéo peut donc être foncièrement compris comme un art de la variation, où il s’agit essentiellement d’explorer et d’épuiser des variations autour d’un même thème.