Abstract
Si l’on s’accorde à voir dans l’ouvrage du clergyman mélancolique Robert Burton paru en 1621 une sorte d’aboutissement et de consécration de la mode mélancolique, l’on a toutefois tendance à négliger le fait que l’anatomiste utilise le discours médical et la tradition mélancolique pour attirer l’attention de ses contemporains sur l’existence d’un désordre qui se manifeste, au niveau de la collectivité, par une crise religieuse, politique, sociale et économique. C’est sous le patronage de l’un des premiers représentants du courant mercantiliste que Burton se place pour justifier l’emploi de la notion de « mélancolie politique » : celui de Giovanni Botero. La lecture de la « Préface » de L’Anatomie de la Mélancolie permet de constater l’existence d’une forte convergence entre les méthodes et les analyses des premiers mercantilistes anglais et le diagnostic de Robert Burton sur la crise économique que traverse l’Angleterre de Jacques Ier. Comment expliquer alors la coexistence dans le même texte de ce discours économique qui propose des réformes concrètes pour remédier à une situation de crise et d’un discours utopique qui préconise une forme autoritaire et disciplinaire de pouvoir comme remède à la mélancolie politique tout en affirmant le caractère chimérique et irréalisable de tout changement radical?