Les promesses de la perception. La synthèse passive chez Husserl à la lumière du projet de psychologie descriptive brentanienne
Abstract
Le but du présent essai est de montrer la différence entre la phénoménologie descriptive et la phénoménologie transcendantale en ce qui concerne la perception et la constitution du sens objectif de l’expérience. La conception générale qui anime notre travail peut être caractérisée comme « néo-brentanienne ».
Nous ne visons pas à une exposition complète de la théorie de la synthèse passive telle qu’elle est développée principalement dans le volume XI des Husserliana1. Notre but n’est pas de faire un résumé de cette doctrine2, mais d’en comprendre certains points critiques.
Ce que Husserl appelle « la sphère de la passivité » (der Sphäre der Passivität)3 est en fait un titre générique pour une série de problèmes particulièrement riches. Elle fait écho aux thèmes centraux de la phénoménologie husserlienne : la structure du remplissement, le rapport entre représentations vides et représentations intuitives, le rapport entre sens et intuition, la constitution de l’objet, la genèse de nos concepts et finalement le continu perceptif et son unité. Comme la passivité au sens qui nous intéresse recouvre un champ plus large que les concepts de synthèse passive et d’intention passive, nous nous bornerons à interroger seulement certains passages de l’œuvre husserlienne, notamment les recherches sur la constitution dans les Ideen II (Hua IV) et le cours sur les synthèses passives (Hua XI). Il faudra rappeler que, s’étendant de la VIe Recherche logique — le sensible et l’intelligible, le rapport entre la réceptivité et la spontanéité — et la découverte du concept de monde de la vie (Lebenswelt), la question de la passivité est, au fond, quelque chose qui traverse comme un fil conducteur toute l’œuvre de Husserl. Toutefois, malgré l’attention accordée par Husserl à la passivité de la conscience, nous voudrions suggérer dans ce travail que (1) son idée de la pensée humaine n’est rien d’autre que l’idée d’une expérience qui, en tant que remplissement du sens, est nécessairement liée à l’activité de l’esprit ; (2) et que cette idée n’est pas seulement une abstraction de ce que nous appelons « expérience », mais qu’elle empêche une véritable description des actes de conscience par rapport au réel, le réel n’étant jamais quelque chose que le sens peut saisir dans sa totalité4. Dans l’optique husserlienne, la raison présente une aspiration à l’unité5 que notre perception semble incapable de satisfaire. La transformation transcendantale de l’intentionnalité brentanienne implique une relation au réel telle qu’elle porte en elle, dans sa structure, un sens implicite. La possibilité de saisir ce sens « caché » dans les profondeurs des actes mentaux est précisément ce que nous allons mettre en question dans le présent essai.