Abstract
Ce texte traite de piratage en ligne à travers la pratique du peer-to-peer au Québec, c’est-à-dire une forme d’échange non autorisé de produits culturels sur Internet (pratique appelée « piratage culturel »). Une approche strictement juridique de la pratique y voit un simple détournement de copyright, tandis que d’autres approches (mouvement Copyleft, Parti pirate, etc.) postulent qu’un gain social est généré par une telle circulation de l’information à grande échelle. Peu de recherches empiriques ont documenté toutefois les contenus circulant réellement dans ces réseaux de piratage culturel. Une première étude canadienne utilisant l’observation directe amène donc un éclairage nouveau. L’étude montre que le peer-to-peer est régulièrement utilisé au Québec pour transmettre des œuvres du patrimoine national (musique, films, livres, émissions de télévision, etc.), dont plusieurs sont non disponibles autrement. Cela suggère que le piratage culturel ne se limite pas à l’acquisition gratuite ou au « vol » de produits culturels (plusieurs produits n’existent pas en magasin), ni ne dessert en soi la diversité culturelle (des produits québécois y sont largement échangés). La réflexion éthique sur le phénomène se situe dès lors sur deux plans : au plan individuel (avec l’ethos des « pirates ») et au plan collectif (avec le rôle du piratage culturel dans la circulation du patrimoine québécois). Enfin, la pratique pourrait contribuer à la constitution et à la circulation d’archives nationales accessibles sur Internet, dans le contexte d’une migration généralisée des produits culturels du format physique au format numérique