Abstract
L’article tente de montrer l’influence du contact direct et vivant avec les œuvres d’art sur l’élaboration de la pensée esthétique diderotienne. Alors que dans l’article « Beau » de l’Encyclopédie, l’auteur reprend des concepts et des hypothèses élaborés par d’autres, l’ouvrage des Salons donne lieu à la véritable esthétique de Diderot. L’écriture des Salons transcrit ainsi le processus d’une impression sensible devenu affect esthétique et jugement critique. On trouve ainsi, dans les Salons, les germes d’une esthétique à la française, dont les successeurs sont le Baudelaire des Salons et le Merleau-Ponty du « Doute de Cézanne » et de L’Œil et l’Esprit. Les Essais sur la peinture marquent cependant, dans la réflexion diderotienne, une césure : il ne s’agit plus de s’interroger séparément sur le dessin d’une part, et la composition d’autre part. Le philosophe doit montrer au peintre le lien qui unifie toute chose et la nature entière. La ligne s’avère ainsi, en deçà du dessin académique, ce qui unifie l’objet et la nature même. Mais comment comprendre l’articulation de la pluralité des ouvrages de la nature, thématisée dans les Essais sur la peinture, et l’unité de la « ligne vraie » recherchée dans le Salon de 1767? Le peintre doit-il rechercher la pluralité des lignes ou l’unité d’une ligne vraie et idéale? Selon Anne Elisabeth Sejten, il faut concevoir la pluralité des lignes de la nature comme vibrant autour de la ligne idéale – et ce faisant la désignant. Telle serait la leçon des Grecs selon Diderot. Le philosophe du XVIIIe siècle s’avère ainsi être le précurseur de l’esthétique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, telle qu’elle fut développée par Valéry à propos de Degas, ou Lyotard à propos d’Adami.