Abstract
Cet essai s’appuie sur plus de huit mois de terrain ethnographique à l’entrée et à la sortie de la jungle du Darién, espace naturel qui fait frontière entre la Colombie et le Panama. Loin d’être un simple no man’s land dangereux, le Darién est devenu en quelques années un passage incontournable pour des milliers de migrants en route vers les États-Unis. À travers les récits de ceux qui le traversent, cet essai explore la manière dont cette frontière est vécue et imaginée. Le Darién dévoile ainsi quatre visages : une frontière-jungle, où le danger est à la fois anticipé et vécu ; une frontière palpable, marquée par l’épuisement des corps et la matérialisation des lois qui supplantent la topographie ; une frontière sociale, qui réorganise les ressources et les relations entre migrants ; et enfin, une frontière temporelle, où l’épreuve du Darién s’inscrit dans un parcours migratoire jalonné d’autres épreuves. En se concentrant sur les vécus, les pratiques et les temporalités des personnes en migration, cet essai invite alors à repenser la frontière au-delà de ses contours géographiques et administratifs, afin de mieux saisir les expériences humaines qui la traversent.