Abstract
« À la fin de son œuvre Les Aventures d’Alice aux pays des merveilles, Lewis Carroll dévoile en un bref paragraphe la nature onirique de l’histoire vécue par la fillette et y souligne le rôle spécifique joué par les bruits alentour ayant accompagné son assoupissement. Ainsi les sons du vent, de l’étendue d’eau voisine, des animaux et de la vie sociale alimentaient incidemment le récit hallucinatoire, œuvrant, dans le brouillard du signifiant propre au sommeil, à la reconfiguration du sens par le non-sense. Ce que donne à lire la conclusion de l’œuvre est un cas typique de paréidolie noise, ce processus d’identification formelle chimérique, où les bruits devenus informes s’avèrent enfin disponibles pour y projeter d’autres formes. Un tel phénomène se retrouve sans doute dans la traque des EVP ( electronic voice phenomena ) qui hante l’histoire des médias et des technologies de reproduction sonore, soit ces voix fantomatiques supposément entendues dans la friture hertzienne d’un poste de radio ou tapies dans le bruit de fond d’un enregistrement. Qu’entendons-nous alors dans ces bruits? Et plus particulièrement, que nous disent ces voix du processus même de la pensée philosophique, lorsque la clarté censée la définir s’abandonne aux lignes de fuite de son brouillage? »