Diogène n° 239-239 (3/4):16-36 (
2013)
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Abstract
Cet article vise à exposer le travail que juristes, magistrats et experts ont dû effectuer – parfois au prix de leur vie – pour soutenir l’énoncé selon lequel la mafia existe, et montre les implications de cette assertion pour les « économies morales » de la société italienne. Après un détour historique destiné à décrire le processus conduisant, en septembre 1982, à une définition juridique de la mafia comme « association criminelle » – préalable nécessaire à l’aboutissement de toute action en justice contre cette société secrète – ce texte se penche sur les mises à l’épreuve judiciaire de l’affirmation de la nature organisée et centralisée du phénomène mafieux, et sur les multiples revirements auxquels cette théorisation – appelée « le théorème Buscetta » du nom du repenti ayant permis de la formuler – a été soumise. Les controverses que suscitent de nos jours encore les procès anti-mafia dans le prétoire, les bureaux d’instruction ou les médias, incitent à saisir les enjeux politiques et moraux de telle ou telle définition de la « mafia » et du « mafieux », et à poser la question de la limite entre ce qui est acceptable ou intolérable au sein d’une démocratie.