Diogène n° 258-259-258 (2-4):168-182 (
2019)
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Abstract
Par l’attention qu’ils portent aux modalités sociales, économiques, politiques et culturelles – et non seulement techniques – de production du son, les travaux regroupés depuis une quinzaine d’année sous la dénomination de Sound Studies interrogent la pratique historienne dans ses hypothèses et dans la circonscription de son territoire. Alors qu’une partie des chercheurs issus de ce champ entend affranchir le sonore du musical, ce texte propose d’inverser la perspective et de mesurer l’apport de ces réflexions pour l’enquête historienne consacrée aux sociabilités et aux circulations musicales. Musicologues entendant rompre avec une approche essentiellement internaliste de la partition musicale, historiens, acousticiens, ces chercheurs se sont attachés à des objets neufs et ont analysé les espaces sociaux à partir de problématiques renouvelées, impliquant une approche interdisciplinaire et une méthodologie croisant des expertises issues de champs variés. De l’historienne Emily Thompson, s’attachant à la construction scientifique des espaces sonores contemporains en lien avec l’architecture, au musicologue Jonathan Sterne, qui consacre une partie de ses travaux aux origine culturelles de la reproduction du son, toutes et tous considèrent que le sonore relève d’enjeux sociaux historicisés. Le concept même de « paysage sonore » mérite lui-aussi d’être questionné. S’attacher à une histoire du sonore conduit également à s’attacher à une histoire sociale de l’écoute que l’historien aura tout intérêt à croiser avec des approches d’acoustique musicale. Enfin, le champ des Sound Studies invite à une réflexion critique sur le processus de construction de l’archive sonore, en articulant l’apport des Sciences and Technology Studies consacrées à la (re)production du son à l’outillage propre à l’enquête historique à partir des témoignages sonores du passé, dans le sillage de la « phonographie documentaire ».