Clio 11 (
2000)
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Abstract
Les parlers ruraux abondent en métaphores associées à la parole, notamment à la façon dont elle est fabriquée et produite dans cet ouvroir miniature qu’est la bouche. Deux séries de représentations semblent en réalité s’opposer : un modèle technique qui assimile la parole aux activités textiles d’une part (filer, coudre), aux gestes des petits artisans d’autre part (raboter, étamer, limer) ; un modèle organique qui associe la parole à la sécrétion salivaire (baver) et à l’excrétion (« chier sur, faire des crottes »). Ces deux ensembles de représentations servent à opposer une parole féminine et une parole masculine tout en définissant la norme de chacune d’elles. L’étude met en évidence la portée symbolique de la parole féminine qui, nouant le lien entre la passé et le présent, filant le temps cyclique de la communauté, s’identifie avec la dynamique calendaire ; elle montre aussi la complémentarité que cette parole entretient sur le plan symbolique avec la parole des hommes qui, associée à l’excrétion, à la croissance et à la maturation des végétaux et aux gestes qui tranchent et ouvrent, semble figurer la succession des cycles qui doivent à un moment s’ouvrir les uns sur les autres et l’inévitable transformation de toute chose vivante.