Du pratique au théorique : La sociologie phénoménologique d?Alfred Schütz et la question de la coupure épistémologique
Abstract
Selon une formule célèbre d?Alfred Schütz, les constructions des sciences sociales doivent être considérées et élaborées comme « des constructions du second degré, c?est-à-dire des constructions de constructions faites par les acteurs sur la scène sociale 1 ». C?est la spécificité épistémologique qui découle de cette position que le présent texte voudrait tenter de ressaisir. Pour ce faire nous repartirons d?abord du projet phénoménologique qui est celui de Schütz ? celui d?une phénoménologie non transcendantale du monde de la vie ? puisqu?il n?est pas sans conséquences, et détermine même directement ses positions épistémologiques et méthodologiques. Une phénoménologie de l?attitude naturelle Dès son premier ouvrage (le seul publié de son vivant), Der sinnhafte Aufbau der sozialen Welt (1932) 2 , Schütz montre qu?une analyse phénoménologique du monde social passe par le renoncement à la posture transcendantale. L?objectif de Schütz est de décrire la structure de la Lebenswelt , du monde-de-la-vie, en tant qu?elle est expérimentée par des hommes dans leur attitude naturelle : « par des hommes, c?est-à-dire, par des hommes qui sont nés dans ce monde socioculturel, qui doivent y définir leurs attitudes, et doivent les réaliser 3 ». Pour l?homme qui vit dans l?attitude naturelle, le monde est d?emblée intersubjectif, pratique, pragmatique. En outre, Schütz indique qu?en portant