Forme et référence. Le langage de Roman IngardenVictor Kocay Collection «Philosophie et langage» Liège, Pierre Mardaga, 1996, 198 p [Book Review]

Dialogue 38 (3):636-639 (1999)
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Abstract

Roman Ingarden fut un auteur prolifique. Ancien élève de Husserl, il publia de nombreux ouvrages et articles en près de cinquante ans de carrière et suscita un nombre impressionnant de commentaires tout en demeurant peu connu des francophones. Victor Kocay tente de réparer cette injustice en nous montrant l’intérêt de l’approche ingardenienne pour l’analyse littéraire et la théorisation de la réception esthétique de l’œuvre littéraire. Deux ouvrages constituent le cœur de l’exposition: Das literarische Kunstwerks et Vom Erkennen des literarischen Kunstwerks. Dans ces textes, Ingarden développe deux concepts centraux qui seront mis en application par Kocay dans la dernière partie de son ouvrage avec l’analyse du Journal d’un curé de campagne de Bernanos et du Journal du voleur de Genet: la concrétisation et la stratification. La concrétisation constitue «la notion de base de l’esthétique d’Ingarden» et ce terme renvoie au processus d’interprétation-compréhension du lecteur face au texte, processus qui résulte en la formation d’un objet esthétique. La concrétisation consiste au moins à remplir ce qu’Ingarden appelle les «lacunes d’ordre conceptuel», c’est-à-dire certains non-dits du texte. À aucun moment Conan Doyle ne dit que Sherlock Holmes est un être humain ou qu’il a trente-deux dents, et pourtant c’est ce que nous inférons de notre lecture, en utilisant nos croyances sur le monde, les traditions littéraires dans lesquelles s’inscrit l’auteur, etc. Il ne s’agit pas de combler tous les blancs, ce qui serait impossible, mais de constituer un objet en vue de son appréciation esthétique. Chaque lecteur peut concrétiser différemment un même texte, mais Ingarden refuse de sombrer pour autant dans le relativisme: l’objet esthétique constitué ne l’est pas pour la seule jouissance personnelle de son lecteur, mais il doit reposer sur les propriétés du texte lui-même et pouvoir être soumis au jugement d’autrui. Si plusieurs concrétisations d’un même texte sont possibles, toutes ne sont pas acceptables. De même, les qualités qui servent de base à l’appréciation esthétique doivent avoir leur source dans les qualités du texte lui-même, selon Ingarden. Lorsque Albert Cohen réussit à nous faire pénétrer dans l’esprit oisif d’Ariane d’Auble, dans Belle du Seigneur, à nous faire ressentir son désœuvrement en nous faisant participer aux mouvements incohérents de son imagination, c’est par un style particulier, un rythme de phrase qui épouse parfaitement les mouvements erratiques de l’esprit d’Ariane. La valeur que nous attribuons à ces pages repose sur des propriétés du texte lui-même, propriétés que nous valorisons parce qu’elles provoquent l’effet esthétique attendu.

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