Abstract
En enquêtant sur la nature du corps ressuscité, cet article montre que la théologie des mystères de Thomas d’Aquin abandonne les principes péripatéticiens de sa théologie spéculative et de sa philosophie. Le corps ressuscité manifeste la perfection de la nature individuelle en supprimant la nature spécifique. Se démarquant de longues traditions physicalistes (corpusculaires) initiées par les Pères de l’Église, Thomas d’Aquin conçoit le corps ressuscité comme un « vivant ». Pour l’au-delà, le modèle biologique aristotélicien se révèle cependant caduc, puisque les corps ressuscités, bien qu’ils « vivent », n’y sont plus ordonnés à la perpétuation et à la perfection de l’espèce. La réalité du paradis n’est plus celle de l’espèce, d’un tout qui serait plus que la somme de ses parties, mais celle de singuliers ressuscités comme âmes rationnelles informant des corps individuels, sans que soient réalisées les fonctions vitales dont l’homme fait l’expérience sur terre. L’anatomie du corps ressuscité fonctionne ainsi comme matrice anthropologique chrétienne maximisée, qui soustrait l’homme à l’ordre de la nature pensée sur un mode spéciste.