Abstract
Résumé Le principe de précaution est l’un de ces cas mystérieux où une bonne idée, solidement défendue par une doctrine réfléchie, a perdu son crédit du fait des actions qui sont menées en son nom par ceux-là mêmes qui ont voulu cette doctrine. Comprenne qui pourra. Après avoir rappelé le contenu d’une doctrine faite d’équilibre entre la précocité de la prise en compte du risque, la proportionnalité des mesures et leur inscription dans le provisoire pour tenir compte de la dynamique de la connaissance, une confrontation est proposée entre cette doctrine et différentes formes de catastrophisme. Elle permet de montrer à la fois que le principe de précaution n’est pas un catastrophisme et que le catastrophisme est une norme indéfendable de comportement face aux « risques incertains ». L’analyse se tourne ensuite vers la pratique gouvernementale du principe de précaution pour montrer qu’elle s’écarte fortement de la doctrine et pour donner une intelligibilité à cet écart, qui a directement à voir avec ce qu’on appelle une démocratie de l’opinion et de l’émotion. Pour sortir du marasme sans renoncer au principe, point d’autre issue que d’en organiser procéduralement la mise en œuvre, à bonne distance du politique, pour qu’il ne soit plus ce joker de la justification manipulé par des politiques en quête des faveurs de l’opinion.