Abstract
Augustin ne dissocie pas plaisir et pensée. Bien au contraire, le plaisir est intrinsèque à l’âme rationnelle pour autant qu’il en exprime la destination inscrite dans le ad Deum. Le plaisir s’impose ainsi comme un élément central de la vie morale et intellectuelle par laquelle l’homme peut se rapprocher de son auteur. Il est le drame de l’âme douée de raison, puisqu’avec lui se décide son orientation vers les biens terrestres, ou au contraire vers les spirituels. Son lieu est dans la jouissance ( fruitio ), et cette dernière s’accomplit dans la participation au plus haut des biens, qui est Dieu. Or, Dieu est vérité. C’est donc à l’esprit doué de raison, capable de vérité, qu’il reviendra de jouir de Dieu. A partir de là se décide le statut qu’il convient de reconnaître à la connaissance, aux disciplines intellectuelles ou « sciences libérales », et leur rôle dans les progrès de l’âme. Un danger menace quiconque s’y adonne avec passion : celui de perdre de vue la fin visée, et de glisser dans la curiosité. Augustin préconise alors un affranchissement du jugement et de ses objets pour se tourner vers la lumière même qui éclaire quiconque juge droitement ( illuminatio ). Cette conversion de l’intelligence s’accomplit comme une transcendance du soi, jusqu’à atteindre celui qui se tient « interior intimo meo » : en ce lieu intérieur sera goûtée la plus haute delectatio.