Abstract
Cet article entend montrer que la distinction reçue entre deux formes de néocontractualisme contemporain, l’une d’origine hobbesienne, l’autre d’origine kantienne, doit être nuancée. S’il est exact de dire que Rawls prend ses distances avec la notion d’un état de nature fondé sur les passions de la puissance et la comparaison interpersonnelle, le contractualisme hobbesien n’est pas réductible pour autant à l’anthropologie politique pessimiste et égoïste à laquelle il est trop souvent identifié. L’interprétation du Léviathan donnée par McNeilly dans la période d’élaboration de la Théorie de la justice permet de rendre justice de la richesse formelle et de l’ouverture morale de Hobbes en matière de théorie du contrat. Elle permet notamment de montrer que la mise entre parenthèses par Rawls des passions de l’envie et leur réintroduction en un second temps est compatible avec la méthode du Léviathan, distincte de ce fait des approches mises en œuvres dans les Elements of Law et le De Cive.It is argued in this article that the sharp distinction between two types of contemporary neocontractarianism is maybe a bit too sharp. It is certainly true to say that Rawls is keeping at bay a notion of the state of nature based on passions of power and interpersonal relations, but the Hobbesian contractualism doesn’t follow that egoistic lead, or at least it doesn’t follow it all the way. The interpretation of Leviathan given by McNeilly in The Anatomy of « Leviathan » while A Theory of Justice was being written does justice to the formal complexity and moral scope of Hobbes’s contractarian theory. It shows in particular that the treatment of envy in the latter work is in keeping with the method of Leviathan, although not with the Elements of Law and De Cive