Abstract
On considère parfois que l’esthétique kantienne, telle qu’elle se déploie dans la Critique de la faculté de juger esthétique, est au premier chef une esthétique de la nature, par contraste avec des entreprises philosophiques qui auraient placé le fait de l’art au cœur de leur questionnement. Sans être entièrement fausse – il est bel et bien question de beauté ou de sublimité naturelle dans plusieurs sections de la troisième Critique –, cette compréhension fait bon marché de la polysémie de la notion de nature dans l’esthétique kantienne et de la complexité des usages qui sont faits de ce concept au fil de l’évolution du projet philosophique qui conduira Kant d’une Critique du goût, en 1787, à une Critique de la faculté de juger, où prédomine l’interrogation téléologique. C’est à retracer la complexité, dans la Critique de la faculté de juger esthétique, de ces fonctions de la « nature », comprise tant comme objet que comme principe des jugements esthétiques, que cet article sera consacré.