Abstract
Ce livre traite d'un Mallarme peu commente: « l'epistolier », auteur d'une volumineuse Correspondance, et le « journaliste », qui crea La Derniere Mode, gazette ephemera et mysterieuse decrivant les nouveautes de la vie parisienne. II nous a semble que, sous ce double masque, se trouvait un chefd'reuvre occulte. L'idee rebattue du poete contraint de gagner sa vie avait des racines trap tenaces pour que s'excite outre mesure la curiosite de la Critique sur les frivolites de La Derniere Mode. Meme si la prose en dentelle de ce journal trahissait l'ecrivain, c'etait avec un sourire charge d'emotion qu'on liquidait ce fait curieux. Quant au fourre-tout de la Correspondance, ou le poete entremelait son reve poetique aux nouvelles de la vie de taus les jours, l'interet porte a ces ecritures etait plutot de l'ordre de la documentation. Or, si l'on se laisse porter par les meandres de la langue mallarmeenne, on apen;oit progressivement la toile d'araignee qui lie ces deux reuvres jusqu'a les envelopper comme une seule. Les mots du langage quotidian et meme les noms propres, liberes de leur referent concret, y deviennent des sortes de personnagespseudonymes qui correspondent entre eux, mais par la musique, la figure et le rythme de leur matiere litterale. Comme des « spectres emmures dans la survivance » d'une representation fantomale, dans un decor en papier, ils finissent par se detacher et surgir de ce linceul pour scintiller comme le spectre du Rythme inconnu. Tel est le niveau hyperbolique ou Mallarme a porte son esthetique du quotidian, qui « emprunte les images de la vie » pour faire entendre la Musique des Lettres a ceux qui ne savent lire que le journal.