Abstract
Dans son Traité 29, « Sur la vision », Plotin aborde à ce propos une difficulté consistant à savoir quelle part y joue le « milieu » séparant l’objet senti de l’organe. Cette question occupe les quatre premiers chapitres du traité : afin d’y préciser le rôle du milieu dans la perception visuelle, Plotin en admet provisoirement la nécessité, dressant au premier chapitre la liste des possibilités théoriques envisageables à partir de cette hypothèse de travail. Afin de mieux voir les étapes et les enjeux de cette argumentation dense, elliptique et à peine effleurée par les études sur la question, je l’analyse ici à la lumière de textes antérieurs portant sur les modalités de la sensation comme telle et sur le problème, plus général, de la transmission d’une affection à travers un milieu donné. Ces questions, abordées avant Plotin dans des cadres divers et à partir de problématiques variant d’un auteur à l’autre (Platon, Aristote et ses successeurs dans le Lycée, Chrysippe de Soles, Plutarque de Chéronée, Pline l’Ancien, Galien de Pergame), ont été retravaillées par Alexandre d’Aphrodise à propos d’un thème précis, pour donner lieu à un modèle original de transmission dont j’aimerais montrer qu’il est d’un apport décisif dans le Traité 29, puisqu’il donne à Plotin l’instrument indispensable pour, en l’approfondissant afin de mieux le dépasser, élaborer par là sa propre théorie de la vision, solidaire d’un processus de désaffection du milieu perceptif amorcé avant lui.