Abstract
Ce livre, comme tous ceux de la même collection, vise à initier l’étudiant, le néophyte, à un champ d’étude en proposant une synthèse qui soit plus qu’un survol. Dans ce casci, toutefois, la tâche est rendue ardue par le fait que l’étudiant, tout néophyte qu’il soit, possède déjà une idée, peut-être vague, mais solidement ancrée sur le sujet. Il croit savoir en outre que les philosophes sont naturellement intéressés à la liberté de pensée, ce qui devrait suffire pour tous en faire des défenseurs de la démocratie. Quel ne sera pas son étonnement lorsque Simone Goyard-Fabre lui apprendra que très rares sont les philosophes qui, depuis les débuts et jusqu’au XIXe siècle au moins, ont parlé en bien de la démocratie! Il apprendra que même Rousseau, l’auteur du discours fondateur de l’idée démocratique moderne, jugeait la démocratie pratiquement impossible pour les humains et recommandait dans tous les cas, sauf pour les tout petits pays, un régime autre que le démocratique. Pour se remettre de son étonnement, il supposera que la démocratie moderne n’a rien à voir avec l’ancienne, celle-là même que les philosophes ont quasi unanimement dénoncée. Mais d’entrée de jeu S. Goyard-Fabre rejette à juste titre cette solution de facilité. Car ces États qui sont donnés aujourd’hui comme des modèles de régime démocratique, les États-Unis et la France par exemple, peuvent être compris comme ayant incorporé les principaux enseignements de la philosophie politique occidentale, celle qui va de Platon et Aristote à Rousseau et Kant. L’étudiant qui désirera débrouiller pour lui-même cette idée de démocratie qui lui semblait si familière, mais qui est déjà perçue «sous le signe de l’ambivalence» par ceux qui l’ont mise au monde, les Grecs, ferait sans doute un bon choix en prenant pour guide S. Goyard-Fabre, qui nous a déjà offert un grand nombre d’études toujours très solides sur la pensée politique moderne. Mais il se rendra vite compte que dans ce livre, on ne cherche jamais à lever cette ambivalence. C’est plutôt le contraire: on vise à l’étaler dans toute son ampleur et à la sonder dans toute sa profondeur, en retraçant la généalogie de cette idée dans la philosophie politique occidentale, de Thucydide à Habermas.