Abstract
Socrate, en République VII 537d-539d, montre tous les dangers d’un contact précoce avec la réfutation pour les futurs gardiens de la cité. Dans un article important, Louis-André Dorion y lit une critique généralisée de l’ elenchos socratique dans la bouche de Socrate lui-même. Son insuffisance tiendrait au fond à la dimension aporétique de sa démarche, laquelle risque toujours de corrompre les jeunes si aucun savoir positif – la dialectique – ne vient s’y substituer. Cet article examine le contexte argumentatif spécifique du dialogue pour montrer les difficultés que pose une telle interprétation. La charge polémique du texte est bien plutôt dirigée contre une certaine conception populaire de la paideia relayée par Isocrate, qui préconise une pratique précoce de la philosophie pour la délaisser ensuite au profit d’activités plus nobles. Mais au-delà de sa dimension polémique, ce passage de la République montre surtout les dangers inhérents au dialegesthai, et le risque toujours présent qu’il tourne à l’éristique.