Abstract
La thèse de la vision des idées en Dieu ainsi que la doctrine de l'occasionnalisme ne permettent pas de concevoir comme immédiat le rapport de l'homme avec la réalité physique. Aussi Malebranche s'oppose-t-il à l'argumentation de Descartes en ce qui concerne l'existence d'un monde extérieur, quoiqu'il ait tort de vouloir le faire pour des motifs cartésiens. L'expérience, chaînon indispensable de la démonstration de Descartes, ne conduit pas plus loin qu'à une vraisemblance extrême ; une certitude absolue ne peut être fournie que par la foi. Si cela fait surgir de nouvelles difficultés, pour Malebranche elles ne paraissent pas insurmontables. Le problème de l'existence d'un monde matériel ne porte cependant pas atteinte au statut scientifique de la physique. Malebranche ne considère nullement la foi comme base de sa physique, puisqu'il la conçoit a priori, selon le modèle géométrique. Il est vrai que l'expérience est présente en ce domaine, mais elle ne joue qu'un rôle secondaire. L'examen des textes, considérés dans leur cadre chronologique, permet de montrer comment se dessine en l'occurence un développement facile à discerner. L'expérience gagne de plus en plus en importance. Ce développement se reflète principalement dans les éditions successives du petit traité Des lois de la communication des mouvements. Toutefois, Malebranche ne va pas jusqu'au point de faire de l'expérience un élément constitutif de la physique, car bien qu'il soit prêt à sacrifier, aussi à cause de l'expérience, plusieurs thèses qui étaient essentielles aux yeux de Descartes, il veut rester fidèle à sa méthode. D'ailleurs, on peut se demander si Malebranche ne réclame pas, au plan de l'expérience physique, une révision de la notion même d'expérience. Il faut concevoir l'expérience comme ce qui s'établit en vertu des lois de l'occasionnalisme. Le mot „expérience” ne peut plus désigner une possibilité dont nous sommes capables par nous-mêmes ou qui peut être instituée directement par les corps